jeudi 30 septembre 2010

L'attente, un mal pour un bien ? Pas toujours.

Hier, nous avons été souper avec des parents adoptants qui sont ici à Lugansk. Pendant le souper, Ludovic s'est commandé une seconde bière qui a tardé à venir ; elle a tant tardé que Ludovic espérait, à un certain moment, que le serveur l'eut oubliée, puisque, finalement, l'attente avait mitigé son besoin et, du fait, son envie. Cette situation a éveillé en moi une réflexion quant à l'attente. Dans notre société actuelle, l'attente est porteuse d'impatience, d'armertume, mais aussi, parfois, d'illusions, d'espoirs et d'excitation.

Il y a l'attente pour son café au Tim Hortons, celle à la clinique et, encore pire, celle en ligne avec le service à la clientèle de Bell. Mais il y a aussi l'attente des festivités de Noël, d'une promotion, d'un premier baiser. Chacune de ces attentes sait éveiller une multitude d'émotions aussi fortes les unes que les autres. Autant l'attente peut sembler justifiée, autant, à d'autres occasions, celle-ci peut paraître insensée, voire même démesurée. Les émotions inhérentes à l'attente sont donc indubitablement relatives à la situation, mais aussi fortement subjectives.

Qu'est-ce que 30 minutes ? Très peu de temps vous direz et à cela, je confirme qu'attendre seulement 30 minutes à la clinique est un exploit, tout autant que celui d'obtenir un passport. Or, une attente de 30 minutes peut paraître interminable dans un bouchon de circulation sans air climatisé à une température excédant 30 degrés. Et que dire d'un examen de la prostate aussi longuement effectué...   

Alors, quel regard peut-on porter sur une attente de six ans ? Si, il y a six ans, j'avais commandé un matelas et que celui-ci ne m'avait toujours pas été livré, une réaction d'indignation, de frustration, de découragement, de désillusion aurait été certes justifiée. On m'aurait conseillé d'annuler ma commande, de considérer les différents recours possibles afin d'obtenir ce que j'avais alors commandé. Alors si six ans d'attente pour un matelas est jugé titanesque, qu'en est-il de ce que j'ai, pour ma part, tant attendu... ?

Au cours des six dernières années, ma vie a été fort chargée. Accumulant les études, les emplois, les défis, les projets, mon esprit et mon corps furent des plus occupés. Néanmoins, mon ventre demeurait vide et mon coeur ne cessait de se barbouiller. J'attendais. Je désillusionnais. Je désespérais ou je niais ce vide. Je croyais être en mesure de combler ce vide, mais toujours celui-ci me rattrapait dans un détour de la vie.

Pendant ce temps, certains baumes sont venus m'apaiser. Ce tout premier baume a été le titre de marraine. Ce mot était si doux à mon oreille. Je n'étais plus uniquement Chantal, j'étais Marraine et la façon dont Nicolas escamotait les deux R du mots Mahaine, me plaisait tout autant. Ensuite, vint celui de Tante. Il y avait enfin deux bouts de vie à aimer, à faire courir, à cajoler. Le titre de Madame Chantal a aussi occupé une place de marque dans ce petit coeur dégarni. J'avais une panoplie d'enfants dont je pouvais prendre soin et, surtout dans la dernière année, une douceur maternelle est venue teintée ce titre de Madame Chantal. 

Mais toujours, ce vide, ce manque... jusqu'à hier... quand, force est d'admettre que je l'attendais, mais ne l'espérais plus, est venu ce petit mot... Mama... une fois aurait été suffisant mais, qui sait, peut-être ayant perçu ce vide, il a décidé de me le répéter trois fois afin de s'assurer que celui-ci s'imprègne à tout jamais, là où depuis trop longtemps le vide avait fait sa marque.

Quand ses petits bras se sont levés vers moi pour accompagner ce mot, ça y était. J'ai alors compris que mon attente venait de prendre fin. J'étais Mama... Enfin, je me sens complète. Je suis une fille, une soeur, une tante, une mahaine, une enseignante, une épouse et, maintenant, une maman comblée et heureuse...

Aucun diplôme, aucune réussite et aucun défi ne vient accoter la fierté qui m'envahit quand j'entends la douceur de ce petit mot.

Chantal 

8 commentaires:

  1. Fernande et Roland30 septembre 2010 à 15:45

    Heille, Chantal!

    Tu as oublié un titre : celui de bruuuuu!
    Quel horrible mot, au son, pour dire la relation qui lie trois personnes! Nous aimons mieux « belle-fille ».
    En tout cas, nous sommes privilégiés d'avoir la femme que tu es pour porter ce titre.
    Et puis, quel témoignage! Tu as toute notre admiration : cela prend beaucoup de générosité pour s'ouvrir ainsi aux parents, aux amis, au monde entier.

    Merci!

    Fernande et Roland

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  2. Bonjour madame Chantal,
    Quelle merveilleuse plume, vous savez si bien transmettre vos émotions. Je crois que vous devriez éventuellement publier vos chroniques d'Ukraine. Selon moi, elles devraient accompagner tous les parents adapotants. Il n'est pas toujours facile de mettre des mots sur ce que l'on vit mais vos mots ainsi que ceux de monsieur Ludo seraient réconfortants et sécurisants.
    En terminant, Mama est un mot magnifique mais ce joli petit mot ouvre la voie à Grand-maman tout autant merveilleux et porteur d'immenses bonheurs.
    Au plaisir et salutations aussi à papa
    Madame Céline

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  3. Bonjour Chantal!
    J'ai les larmes aux yeux....c'est tellement beau ce que tu écris! Toutes tes réflexions me donnent des frissons... Je suis d'accord avec madame Céline qui dit que tout cela devrait être publié! Il faut que le plus de gens possible puissent avoir le plaisir de vous lire. Vous dégagez tant de bonheur Ludovic et toi, cela fait un bien énorme de prendre de vos nouvelles...
    Isabelle Brossoit

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  4. Mon amie, comme tu as raison. Ce manque, cette attente interminable qui n'est jamais rassasié par rien. Cette envie folle d'être quelqu'un, d'être une femme oui mais aussi une maman.Rien n'égal ce sentiment et tu le sais maintenant. Et non, pour ceux qui se posent la question, ce n'est pas différent être une maman adoptante qu'une maman naturelle. L'amour est le même, les sentiments entourant le rôle d'une maman sont également les mêmes, les gestes posés pour aimer, cajoler, aider notre enfant sont les mêmes. La seule différence se trouve exactement dans le titre de ton post, c'est l'Attente...oui, avec un grand A.
    Je t'adore!
    Christine xxx

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  5. Ma Chère Chantal,

    Nous en avions brièvement parlé hier de ce vide immense qui nous remplissait durant tant d'années! Je te comprend tellement... Je suis aussi une fille, une soeur, une blonde, une marraine, une tante, une bru, une belle-soeur, etc. Mais maintenant être une Maman est vraiment le plus beau rôle que la Vie m'aura confié. Nous en prendrons bien soin n'est-ce pas!!!

    Profite de chaque moment... ces moments ne reviendront jamais! xxx

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  6. L'attente.... c'est une question de "temps" ? Ce mot, utilisé à toutes les sauces revêt pour chacun, et pour chaque chose, un intervalle différent.
    Je vous raconte : Ulysse 4 ans est dans son bain et maman dit : "N'oublie pas, lorsque tu sortiras du bain, tu auras 4 minutes pour jouer et ensuite... dodo!" Ulysse répond : "4 minutes! Maman, c'est long 4 minutes!".. Maman rétorque, (dans l'espoir de faire réaliser au petit bout d'chou que, contrairement à ses attentes, 4 minutes c'est vite passé) "Non mon chéri, 4 minutes, ce n'est vraiment pas long" et le merveilleux petit homme (mon petit-fils!) qui lui dit tout candidement : "Est-ce que c'est le même 4 minutes que lorsque je vais en punition au coin ?!"... N'est-ce pas tout à fait mignon?

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  7. Wow, j'ai eu les frissons a te lire!!!! Vous etes pleins de talent. S'en est presque genant d'écrire nos commentaires. Surement plein de fautes dans mon cas.... Mais passons par dessus cela, vous devriez honnetement trouver une facon de publier tout vos récits. C'est si bien écrit, autant Chantal ou meme Ludovik avez une si belle écriture. Vous lire est devenu un bonheur quotidien :) Johanne

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  8. Moi aussi j'ai la larme à l'oeil et des frissons en te lisant Chantal.

    Wow! Lorsque je disais que je vous envie (je sais que tout ce qui vous a amenez à vivre cette aventure n'a pas été facile), mais tout l'amour que vous récoltez à présent et l'ouverture avec laquelle vous nous transmettez ce que vous vivez me renverse et me fait attendre avec impatience un tout petit bout de vie dans ma vie moi aussi.

    En plus, j'ai de l'appui pour que vos chroniques soient publiées! Allez-y!!

    à bientôt, Karine xx

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