vendredi 22 octobre 2010

Departur imminantus !

Dernière nuit en sol ukrainien ! Demain, nous dormirons dans nos lits, au Québec. Nous avons rencontré quelques pépins pour changer notre date de retour en raison de la grève en France. Notre itinéraire sera donc un peu plus long, mais la destination demeure la même : home sweet home. Nous joncherons la terre québécoise à 16h10 demain, samedi. En attendant, nous allons dormir, une dernière fois, cordés les quatre dans le même lit.


Chantal

mardi 19 octobre 2010

Ma toute première fois...

La première fois en toute chose est un moment unique qui nous marque à jamais. Je me rappelle ma première tentative culinaire... téméraire ; la première fois que j'ai embrassé un garçon... je me suis dit que ça ne pouvait que s'améliorer ; la première fois que j'ai goûté à du fromage de chèvre... dégoûtant, mais j'ai appris à apprécier avec le temps ; mon premier feu d'artifice... émerveillée. À l'instar de ces premières fois, nos premiers pas en tant que parents sont tout ça à la fois : empreints de témérité, on se dit que certaines choses vont s'améliorer, que l'on va apprendre à en apprécier certaines autres avec le temps, mais qu'on ne cessera jamais de s'émerveiller devant ces petits êtres remplis de surprises. Voici donc un récapitulatif de nos dernières premières journées...

Vendredi : Jour 1
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, pendant notre première journée en tant que parents, nous n'avons vu les enfants que quelques minutes. Fraîchement parents et déjà en congé d'enfants! La matinée a débuté par un moment fort en émotions en compagnie de Vlad, le physio d'Émilie. Ludo lui a lu un message de reconnaissance et tous, l'interprète incluse, avaient la gorge nouée par l'émotion. Nous réalisions à quel point cet homme s'était fortement attachée à notre Émilie Jolie. L'accompagnant lors de ses rendez-vous, de ses opérations et ses présences assidues lors des exercices quotidiens avaient lié le coeur de cet homme à cette cocotte, et ce, bien plus qu'il ne l'avait imaginé. Puisque nous prenions une partie de son Ukraine, nous lui avons donné une parcelle de notre pays pour le remercier : du sirop d'érable.

Cette journée s'est poursuivie par une expédition dans la ville natale des enfants : Stakhanov. Arrivés à destination à 11h, nous nous sommes empressés d'aller au bureau de l'état civil. "Revenez à 14h et tout sera prêt". Nous avons profité de cette pause pour aller visiter Babouchka 1 dans la première demeure des enfants. Elle nous attendait sur le pavis avec un pain. L'interprète nous a expliqués qu'il s'agissait là d'une tradition ukrainienne. Les invités doivent prendre un morceau de pain, le tremper dans le sel et ensuite pénétrer dans la demeure. Étant la première à m'exécuter, j'ai pris un gros morceau de pain afin de signifier ma reconnaissance et je l'ai trempé généreusement dans le sel... mauvaise, très mauvaise idée, surtout quand j'ai vu le minuscule morceau qu'empoignait mes camarades d'expédition. Enfin, bref, en entrant dans la maison,  la bouche bien salée, nous avons découvert un univers typiquement ukrainien. Les murs étaient tapissés et tout ressemblait parfaitement à ce que je m'étais imaginé d'une maison ukrainienne. Nous avons débuté la rencontre par le partage de présents. Nous avons offert à Babouchka une lettre, un album de photos des enfants, du sirop d'érable et deux plantes en symbole de ses petits-enfants qui continueront à grandir  mais aussi afin de symboliser que, malgré la distance, elle pourra continuer à prendre soin d'eux. Pour sa part, elle nous a remis une assiette, une tasse, pour Babouchka 2, une nappe brodée à la main.

Ensuite, ce fut le temps de partager un repas en famille. La table était mise et comptait de nombreux, de trop nombreux plats. Regardant autour de moi, j'ai tout de suite su que je n'aurais pas assez de mon seul estomac pour venir à bout de toutes ces victuailles et même les sept estomacs prenant part à ce repas n'y arriveraient guère. Mais bon, le moment fut des plus agréables. Nous avons regardé des albums de photos. Nous avons fait la connaissance de cette maman biologique en photos, Eugénia. La maman des enfants étant décédée depuis peu, le moment était très émotif. Par contre, nous avons réalisé que nos enfants avaient été entourés d'amour, de beaucoup d'amour au sein de leur première famille.

De retour au bureau de l'état civil, le papier n'était pas prêt. Humm... que de déceptions. Nous savions l'importance qu'aucun pépin ne surgisse sur notre chemin si nous souhaitions obtenir tous les papiers nécessaires afin que nous soyons en mesure de quitter pour Kiev le lendemain et ainsi entrer à la maison le samedi prochain. Une heure d'attente... une attente lourde de conséquences. Une attente qui a fait en sorte que notre chemin de retour s'est avéré beaucoup plus périlleux que celui de la matinée. C'est dans une voiture dépourvue de ceintures de sécurité roulant à plus de 140 km/h, parfois même 150, que nous avons parcouru les petites autoroutes ukrainiennes, dépassant à l'occasion des voitures et des camions, et ce, malgré la venue d'automobiles en sens inverse. Il ne s'agissait pas de la première fois que j'avais peur en voiture puisque je suis une peureuse née, mais c'était la première fois que je craignais en pensant à quelqu'un d'autre, à mes demi-portions... je ne pouvais m'imaginer les laisser seuls. Non, non, non, je me suis agrippée et j'ai prié tous les saints que je pouvais connaître, même St-Antoine de Padoue qui, je sais, ne me servait à rien dans cette situation. C'est donc entièrement crispée que je suis arrivée à Lugansk. Ludo, lui, est arrivé parfaitement reposé, puisqu'il avait profité de ce moment pour s'endormir et même ronfler à l'occasion.

Il nous restait donc deux arrêts à effectuer : le bureau pour obtenir le code de sécurité d'Arthur et le bureau des passeports et nous ne disposions que de 10 minutes. Nous avons obtenu le code, mais pour les passeports, nous allions devoir patienter au lundi suivant. Nous étions résignés à quitter plus tardivement dans la semaine quand, de retour, à l'appartement, nous avons reçu un appel de notre interprète nous disant que le bureau des passeports ouvrirait exceptionnellement ses portes pour nous le lendemain matin. Eh bien, eh bien, un bureau fédéral qui ouvre ses portes pour nous : c'était là une première, mais certainement aussi une dernière.

Samedi matin : Un premier départ
Un vieil adage mentionne qu'il importe de fermer une porte avant d'en ouvrir une nouvelle. Avant de débuter notre nouvelle vie, il nous fallait donc boucler celle qui avait été la nôtre et celle des enfants à Lugansk. Notre samedi a été marqué par de nombreux adieux et ponctué de plusieurs larmes. Je suis inconfortable avec les au revoirs. Je ne sais jamais comment m'y prendre. J'ai dû redoubler d'efforts pour ne pas trop pleurer puisque je tenais à faire de ce moment un moment agréable tout en laissant un bon souvenir aux enfants. De plus, je ne voulais pas les déstabiliser en me voyant pleurer. Mais ce fut difficile. Nos amis français nous attendait à l'orphelinat. Le temps partagé avec eux a été trop court, mais le souvenir que je conserve des liens que nous avons tissés est unique et me marquera longtemps. Tout au long de notre dernière visite à l'orphelinat, ils nous ont suivi. Jouant aux photographes et aux caméramans officiels. C'était touchant. Vlad était présent. Pour la dernière fois, nous avons habillé les enfants dans ces locaux qui les avaient accueillis depuis trop longtemps. Ensuite, ce fut la grande marche... cette grande marche tant attendue vers cette barrière. Cette barrière qui allait nous ouvrir les portes vers notre nouvelle vie. C'est avec un mélange de joie, de reconnaissance et de nostalgie que nous avons fait nos premiers pas de liberté familiale. Les adieux à nos amis français ont été difficiles. Les enfants étant assis dans la voiture, je me suis laissée aller à quelques larmes. L'au revoir à Vlad, le physiothérapeute, était trop difficile. La gorge nouée, les yeux plein d'eau, je le voyais dire adieu à sa protégée. J'aurais tant voulu apaiser sa peine, mais cela m'était impossible. La voiture quittait à peine le stationnement quand Émilie a émis un léger "Vlad". Nous lui avons demandé de revenir. C'est sur ce dernier au revoir que la voiture a démarré. Direction : la gare. 

Sur le trottoir de la gare nous attendaient Babouchka, la tante, l'oncle, le cousin et le grand frère des enfants. Babouchka nous avait préparé de petits plats pour la route en train. Nous leur avons confié les enfants et avons tenté de réunir tous nos bagages. Il faut dire qu'il y en avait une tonne. Ludo et moi, d'emblée, nous ne voyageons pas léger, alors il faut s'imaginer avec deux enfants. Ceux-ci avaient peu de choses, mais nous avions profité du fait qu'ils avaient le droit à deux valises chaque dans l'avion pour compacter quatre valises bien pleines, plus quelques pièces jointes. Les valises étant logées dans notre cubicule, nous sommes ressortis pour saluer la famille.

Devant le train, tout près de Babouchka se tenait Vlad. Il n'avait pu se retenir de nous suivre en autobus. Ludo se tenait près de Vlad avec Émilie. Je restais près de Babouchka. Je ne savais plus où me mettre. L'hypersensible en moi tentait de trouver sa place sans délaisser qui que ce soit. Le temps ne filait plus. Il s'était arrêté. Babouchka nous répétait à quel point elle nous aimait. Elle soufflait à l'oreille des enfants tout l'amour qu'elle ressentait pour eux. À un moment, je tenais Émilie dans les bras, détachée du reste des gens. Vlad s'est approché pour partager quelques mots avec Émilie. Il savait qu'il pouvait laisser parler son coeur car je ne saisissais aucun mot de ce qu'il pouvait dire. Émilie l'écoutait, les yeux ronds, ne comprenant pas pourquoi Vlad lui disait tout cela. Ensuite, Vlad est disparu dans la foule. Nous l'avons rattrapé juste avant qu'il s'éloigne à tout jamais. Nous l'avons embrassé et Émilie a soufflé un dernier "Paka Vlad". Nous sommes montés dans le train. Par la fenêtre, nous avons salué la famille. Le train s'est mis tranquillement à rouler. Babouchka a tendu la main pour toucher une dernière fois les enfants et voilà, notre périple en train débutait.

De retour dans mon cubicule, après avoir confié nos deux petits colis à Bab 2 dans sa section, c'est là que les larmes, les vraies, sont arrivées. C'est dans un flot incontrôlable que j'ai regardé les deux sacs que nous avait remis Babouchka 1. Des petits cadeaux pour les enfants. Rien de très chers, mais tous remplis d'amour. Des petits trésors pris ici et là dans leur première maison. J'ai alors réalisé que je posais un geste égoïste en amenant ces enfants avec moi ; un geste qui était lourd de conséquences pour plusieurs. Je détachais des enfants pour les amener à s'attacher à moi. J'étais remplie de compassion, de peine, de culpabilité, mais en même temps de joie. Le train roulait au rythme de mes sanglots. Je ne savais pas quand ils s'arrêteraient, mais je savais que je devais laisser couler ses larmes trop longtemps retenues. Pendant un mois j'avais été forte et là, devant autant d'amour, je n'en pouvais plus. Je pensais à Vlad, à Babouchka. J'avais mal pour eux et je me questionnais sur ce que j'étais en train de faire. Ces enfants étaient orphelins de parents, certes, mais ils étaient loin d'être orphelins d'amour.

Ludovic est resté présent tout le long. Nous ressentions des sentiments si mitigés et nous nous sentions complètement désemparés. Qu'allions-nous faire? Qu'allais-je faire pour combler ce vide que je venais de causer à ces enfants ? Je ne savais pas. Les larmes ont cessé. J'ai serré mon mari dans mes bras et je suis allée chercher mes deux amours. J'avais tant besoin d'être avec eux. Je les avais attendu si longtemps et maintenant ils étaient là. J'étais maintenant leur point de repère et je tenais à être à la hauteur. Le trajet du train a été impeccable. Les enfants ont été charmants. Quand la nuit est tombée, nous avons fait des premières expériences. La toute première, un peu traumatisante, a été de faire la connaissance des toilettes. La crise, l'hystérie des enfants. Nous avons vite compris qu'ils n'avaient jamais fait la chose ailleurs que sur un pot. La décision a vite été prise de les remettre aux couches jusqu'à notre retour à la maison. Deuxième nouveauté, beaucoup plus agréable, a été le brossage des dents. Un moment de pur bonheur. Émilie imitait mes mouvements tandis qu'Arthur se laissait faire, riant à chaque coup de brosse. Ensuite, ce fut le moment d'aller au lit. Arthur emmitoufflé à mes côtés et papa et Émilie, sur la couchette voisine, allongés côte à côte, se jouant dans les cheveux. On pouvait voir leurs yeux briller dans le noir. La période d'endormissement a pris un temps, mais une fois endormi, Arthur n'a pas bronché jusqu'au lendemain matin. Pour Émilie, ce fut plus difficile, puisqu'elle commençait à être malade. Par contre, on peut classer notre première nuit en famille dans la catégorie des doux souvenirs.

Dimanche, lundi et mardi : jours de premières à Kiev
En arrivant à Kiev, Ksénya nous attendait. Elle nous a pris en charge. Nous avons dit au revoir à Valentina et nous sommes allés à l'épicerie. Arrivés à l'appartement, nous nous sommes installés rustiquement et le médecin, Olga, est venu osculpter Émilie qui allait de pis en pis. Le diagnostic est alors tombé : bronchite. Elle a pris soin de nous expliquer tous les médicaments à lui administrer et Ksénya s'est occupée de les acheter. En dépit de la maladie d'Émilie, notre première journée à Kiev s'amorçait bien. Celle-ci a d'ailleurs été suivie par plusieurs beaux moments. Voici quelques premières découvertes des enfants, format photos :

Une technologie amusante : le séchoir à cheveux
épeurant au début, mais tellement amusant ensuite


Notre premier bain... comme c'est amusant!


Que de plaisir à découvrir la machine à laver.
Le HD peut aller se rhabiller.
Et la phrase de la journée, prononcée par Émilie découvrant l'anatomie masculine de son frère : "Mojna penis" (traduction libre : moi aussi je veux un pénis). 

Et maintenant, voici nos découvertes parentales :
1-  Quand on part en expédition, il est toujours mieux de prévoir un peu de nourriture, car sauter l'heure du repas, fait en sorte que la sieste est décalée. Tenter une première expérience au restaurant en famille n'est donc pas la meilleure stratégie, mais quand l'erreur est faite, il faut prévoir un peu de patience en réserve afin de gérer les crises. Quand l'heure de la sieste est décalée, la levée de la sieste l'est aussi, ce qui, par conséquent, fait en sorte que l'enfant peut s'endormir beaucoup plus tard. Fait étonnant, l'heure du levée le lendemain matin, elle, ne suit pas la même logique et n'est donc pas décalée.

2.1-  Une nuit, c'est long quand on se réveille aux heures pour s'occuper d'une enfant malade, mais en même temps, ça vient naturellement.
2.2-  Regarder un enfant dormir, c'est un petit plaisir de la vie.

3-  L'heure des repas peut devenir un champs de bataille. De la nourriture ça peut être lancée, crachée, recrachée, dédaignée et très rarement aimée. Il faut savoir user de beaucoup de créativité et d'un "truck" de patience pour faire avaler la moindre petite bouchée. Ah oui, fait à ajouter, le McDo n'est pas une nourriture appréciée de tous.  

4- Prendre soin d'un enfant malade peut être déconcertant. Voir la température du thermomètre monter jusqu'à 39 degrés peut être inquiétant. Tenter une exploration anale pour confirmer une température prise sous le bras est une expédition à haut risque.

5- Des enfants sortant d'un orphelinat demeurent fragiles même si, en apparence, ils semblent bien adaptés. L'attachement prend un temps à se créer et il faut savoir accepter que son petit garçon parte en courant dans la rue pour aller faire un câlin à une vieille dame qui lui sourit.

6-  Ah oui, aimer les Canadiens, c'est de famille !

7-  Effectuer des sorties en famille, c'est agréable, mais la poussette, dans les rues de Kiev, ce n'est pas toujours adapté. Or, les épaules de papa le sont toujours, elles.


Nos premiers instants de famille seront sous peu de beaux souvenirs et, à partir de ces souvenirs, nous bâtirons notre avenir. Voulant profiter pleinement de ces moments précieux, il se peut que nos interventions sur ce blog soit peu fréquentes. Nous vous ferons signe dès notre retour en terre québécoise prévu pour le début de la semaine prochaine, le vol de samedi étant plein. 

Chantal

lundi 18 octobre 2010

Des nouvelles

Des nouvelles demain, promis juré, mais cracher c'est mal.
Ludo

samedi 16 octobre 2010

On repart!

Il y a trente-trois jours, le 13 septembre, je vous annonçais que nous partions pour la région. Le message s'intitulait: «On part!». Ce soir (cette nuit pour moi, car il est minuit 12), je vous annonce notre retour à Kiev. Nous aurons plus de temps (peut-être!) pour vous raconter notre journée qui a été longue et riche en émotion. Pour l'instant, je dois dormir! J'aurai des enfants pour la première fois demain, et si j'en crois les parents que je connais, ce sera du sport!!!

Merci à toutes et tous de nous lire et de nous soutenir. Si vous voulez, nous aimerions faire une étude de marché qui consiste à obtenir le nombre approximatif de lecteurs assidus de notre blog. Cela ne vous engage à rien! Seulement à répondre à ce message en nous donnant votre nom. Genre: «Pierre-Paul a dit...» Puis plus rien! C'est assez! Mme Céline, je vous demanderais donc de nous rédiger une liste peu exhaustive des enseignentes qui, selon vous, lisent souvent le blog. Si vous vous trompez, ça fera de la chicane dans la salle des profs!

À bientôt!

Ludo

vendredi 15 octobre 2010

Papa

Ce soir, je suis père. Oui, et c'est bien tant mieux! J'ai été enfant une dizaine d'années. Un bébé avant. Un adolescent aux cheveux longs pendant trop longtemps! Un étudiant insouciant pendant quatre ans. Un peu plus sérieux durant quatre autres années. Un jeune adulte mélangé avec l'ado pendant dix ans. Un homme pas très longtemps! Et maintenant, un père, un papa. Wow! C'est quelque chose ça! C'est à la fois angoissant et tout à fait excitant. J'ai confiance en moi.

J'allume une étoile, non deux, dans ma vie, j'éteinds la lumière et je dors.

Bonne nuit.

Ludo
Première photo de moi comme père. La dame, là, juste à côté
c'est ma femme, la mère de mes enfants!

mercredi 13 octobre 2010

Avis de recherche

Demain, nous serons officiellement parents ce qui veut dire que nous serons à la maison sous peu. Nous commençons donc à prévoir notre retour. Par conséquent, nous réalisons qu'il nous manquera quelques articles et c'est pour cette raison que nous faisons appel à vous et à vos amis...

Voici la liste des choses dont nous aurions besoin :
1- Une poussette double en bon état et pas trop chère
2- Un petit chariot Little Tikes toujours en bon état et pas trop cher

... la suite de la liste serait plutôt sous forme de dons :
3- Linge pour fillette de grandeur 3T à 5 ans
4- Linge pour garçon de grandeur 18 à 36 mois
5- Un banc booster en plastique pour manger sur une chaise
6- Une paire de billets de saison pour les Canadiens

Si vous avez un des articles suivants, nous vous serions gré de communiquer avec nous via courriel à l'adresse suivante : azur3@hotmail.com

Merci beaucoup,
Ludo et Chantal

Déjà 50 !

50 ans... Certains passent le cap du 50 ans avec un grain de sagesse, de fierté et d'autres, avec une tasse de déprime et parfois même d'amertume. C'est une toute autre histoire quand vient le temps de célébrer 50 ans de mariage... quoique, à bien y penser, pour certains, ce doit être la même chose. Enfin bref, nous avons, pour notre part, passer le cap des 50 visites à l'orphelinat lundi après-midi. Cinquante marrons recueillis, cinquante mailles tricotées, cinquante moments de bonheur, mais aussi cinquante séparations, cinquante promesses de se revoir et cinquante fois à rêver de traverser cette barrière à tout jamais. Le temps a passé si vite et notre famille, grâce à ces cinquante réunions, a su se tisser tranquillement.

Notre consolation lors de nos moments de départ est de constater l'effet de ces cinquante rencontres : quand vient le moment de se séparer, nous invitions Émilie et Arthur à partager un câlin afin de les amener, pas à pas, à créer une relation entre eux. Voilà que, lundi, en ce jour de notre cinquantième, Émilie a redemandé un deuxième câlin à son frère, au moment où il s'éloignait pour rejoindre son groupe. Les yeux mouillés, Ludo et moi avons partagé un regard au sein duquel on se demandait si c'était là le signe que nous avions réussi à se tricoter une petite famille...

Avec nos cinquante visites en poche, nous sommes, pour l'instant, les plus "vieux" de l'orphelinat. Nous serons les prochains à quitter l'orphelinat, laissant derrière nous plusieurs souvenirs, mais aussi, nos cousins français, J-B, Corinne, Karine et Philippe à qui nous voulons partager notre maigre expérience de la ville avant de quitter. 

En fait, nous ne faisons que poursuivre la lignée de bienfaits qui a été amorcée par nos amis Lucie et Thomas. Armés de leur expérience à Lugansk et de leur patience, ceux-ci nous avait partagé tous leurs petits secrets luganskais. À notre tour, en bons guides, nous partons à la découverte de Lugansk avec nos cousins français et Bab. Hier, nous avons profité d'un moment d'ensoleillement pour faire découvrir le marché public #2, le #1 étant plus haut dans la ville et davantage destiné à l'achat d'habits. Les allées du #2 sont beaucoup plus étroites et le matériel vendu beaucoup plus éclectique. Quand, au bout d'une allée Jean-Bruno m'a demandé ce qui se trouvait au fond, j'ai tenté de déchiffrer l'affiche et, fièrement, je lui ai répondu "une boucherie". "Et en haut, qu'y a-t-il, on peut y monter ?" Aucune idée. Fervents d'aventure, nous sommes donc partis, J-B en tête, oui, en fait le guide principal, Ludo, est quelque peu plus lent que le reste du groupe alors il ferme la lignée... d'accord, j'entends déjà les "oui, mais c'est aussi ça être un guide... s'assurer que touts les petits cannetons ne s'égarent pas"... c'est vrai.

Alors, au fond de ce marché, il y avait bien une boucherie, mais ce que nos yeux ont vu là dépassait de beaucoup tous les monuments ou les attraits "touristiques" de la ville... une vraie boucherie à la mode des années soviétiques. Une salle équivalente à trois gymnases, aucun frigo et des tas de viandes étalées et prêtes à être achetées. Comme quoi, même les guides peuvent découvrir d'incroyables trésors enfouis... il s'agit parfois de suivre l'initié. C'est toute la magie de l'accompagnement, mais ça, c'est un autre sujet et je ne m'égarerai certes pas dans celui-ci, car la dernière fois que je l'ai fait, ça a pris quatre ans et un peu plus de 200 pages...



Nous avons donc acheté du fromage au lait cru et une sorte de crème pour aller dessus. La dame m'a entretenue sur le sujet pendant plusieurs longues minutes, peut-être deux, mais le temps paraît plus long en russe. Mes hochements de tête et mes "Da, da" étalés ici et là dans la conversation laissaient présager au Groupe que je saisissais le contenu de celle-ci, mais mon "Sors l'argent Bab" un peu paniqué a vite fait de détruire cette illusion. Nous avons poursuivi notre visite du marché #2, découvrant et achetant quelques produits du terroir ukrainien.

En cette fin de journée, une question demeure : "Comment être guide sans s'épuiser ni se perdre soi-même?". Nous nous endormirons sur cette interrogation, trop fatigués pour y trouver une réponse convenable.

Mais avant de vous quitter, afin de célébrer nos 50 visites et pour vous remercier de nous suivre si fidèlement, nous vous partageons un petit film d'Émilie regardant l'album de famille avec papa. Après Fernande, Roland, Linda et Louiselle, à vous de voir Émilie en vrai, ou presque...
Dasvidanïa !
Chantal

Enfin Émilie !

mardi 12 octobre 2010

Attention! Deux messages aujourd'hui!

Jour de Thanksgiving

Traditionnellement, Thanksgiving était célébré afin de remercier Dieu pour l'abondance des moissons. Ludo et moi sommes loin d'être des agriculteurs aguerris, mais l'opulence de nos récoltes de l'année nous incite à rendre grâce à notre tour. En fait, il serait fort ingrat de notre part de passer outre cette tradition puisque nous avons été très privilégiés cette année.


L'idée de célébrer l'Action de Grâce plaisait bien à Ludovic. Nous partagerions un souper agréable avec nos nouveaux amis français, Jean-Bruno et Corinne. Or, quand j'ai poussé la réflexion un tantinet plus loin, là c'était une toute autre histoire. En effet, quand je lui ai demandé ce pour quoi il rendrerait grâce cette année, il a levé les yeux, cessé d'essuyer la vaisselle et, le regard vide, oui, vide serait le bon terme, il m'a répondu : "Euh... l'adoption-là, la force d'avoir terminé les rénos pis... tes beaux yeux". Bon, j'ai vite compris que je ne pourrais pas m'appuyer sur ses grâces pour compléter le blog d'aujourd'hui. Mais en fait, à quoi suis-je reconnaissante ?

Il m'arrive fréquemment de remercier les gens pour un geste posé, une parole bienfaisante ou tout simplement de leur présence dans ma vie. Néanmoins, j'ai souvent l'impression que le mot merci ne traduit pas toujours avec justesse la reconnaissance que je ressens réellement. Je remercie un étranger qui me tient la porte et ce même mot, je l'utilise pour remercier cet homme, ce travailleur de l'ombre qui prend soin des petites jambes de ma fille chaque jour depuis si longtemps. Mais ce mot peut-il vraiment transmettre une reconnaissance à différents égards ? J'en doute parfois, non pas que je ne remercie pas les gens autour de moi, mais bien parce que je me considère si choyée par la vie que je crains de sombrer dans l'ingratitude ou de ne pas être en mesure de transmettre l'ampleur de ma reconnaissance sans tomber dans l'exagération. Bref, mon rapport avec la reconnaissance se veut imparfait et quelquefois insatisfaisant. 


Outre la reconnaissance pure et accessible, il y a aussi cette reconnaissance que j'estime noble, celle pour les événements et les gens qui nous enquiquinent l’existence. Un jour, quelqu'un m'a partagé un sage conseil qui me suit depuis : quand quelqu'un te fait du mal, donne-lui de la grâce ; réponds par de la gentillesse en signe de reconnaissance parce qu'il t'amène à grandir et à découvrir une force en toi. Bon, j'avoue que j'y travaille, mais ce type de reconnaissance exige une sérénité d'esprit que je ne détiens pas d'emblée. C'est souvent avec un peu de recul que je parviens à cerner l'aspect positif d'une situation et, du coup, d'en être reconnaissante. 

Bon, eh bien, tout ça me ramène à ma question de départ : à quoi puis-je bien rendre grâce cette année... J'ai tenté de dresser une liste non-exhaustive de mes grâces ; liste à laquelle j'ai tenté d'ajouter quelques reconnaissances "nobles".  

Je suis reconnaissante à la Vie pour...
  • mes deux nouveaux trésors ; mon Émilie Jolie et mon petit roi Arthur ; ces boules d'énergie qui m'ont acceptée comme maman et qui me comblent de bonheur ;
  • mon mari, mon meilleur ami, cet homme si fort, si généreux et si drôle qui enjolive ma vie ; celui qui, quand la tempête gronde, reste droit, courageux et aimant ; celui qui, j'en suis fière, est maintenant le père de mes enfants, un père que j'admire jour après jour ;
  • ma famille et ma belle-famille, toujours présentes, toujours aimantes, celles sur qui je peux compter en tout temps, qui me soutiennent dans mes projets les plus fous ; ma famille, cet oasis où je peux me ressourcer, rire, pleurer, pester, être vraie et être aimée quand même (Linda, vous faites partie de cette catégorie); 
  • cette nouvelle maison remplie de "potentiel", de défis, d'impromptus et de rêves ; ces rénovations qui ont su solidifier notre couple et greffer de merveilleux souvenirs à notre histoire d'amour ;
  • ma piscine et mes nouveaux tuyaux d'égoûts qui me permettront de laisser libre cour à ma passion de jardiner ;
  • Richard, ce collègue, cet ami, ce mentor qui a su voir en moi ce qui n'avait pas encore mûri et qui, avec patience et doigté, a toujours su être présent ;
  • le privilège d'exercer un métier qui me passionne et, surtout, de pouvoir partager cette passion ;
  • ces amitiés qui égaient ma vie : ces rencontres autour d'une bonne tablée, ces rires partagés, ces oreilles tendues pour écouter, ces épaules sur qui je peux pleurer et cette chance de savoir que vous me faites une place dans votre vie.
Pour tout cela, du fin fond de mon Lugansk grisailleux, je rends grâce... Je réalise que je suis choyée, bien entourée, aimée et chanceuse. Ma vie est belle, malgré ses imperfections... et je ne peux qu'en être reconnaissante.

Chantal
Avez-vous vu l'ours... nous avons contenté J-B
en lui passant notre ours canadien pour la soirée
(voir le message de Ludo)



Quatre jours en quelques étapes

Lundi, 23h09, Lugansk, quelque part en Ukraine
Bonsoir,

Il y a déjà quatre jours que nous ne vous avons pas donné de nouvelles. Nous avons beaucoup ET pas beaucoup à dire. Le train-train quotidien s'est installé, mais il y a quand même certains événements intéressants qui méritent d'être soulignés. Les voici sous forme de liste, probablement en ordre chronologique:


 

Un ordi sur Skype, l'autre sur le match!

1- On est fan ou on ne l'est pas! Dans la nuit de jeudi à vendredi, j'ai eu l'immense plaisir de regarder le match des Canadiens avec la famille Grégoire. Merci à Megan pour la première période, à Jeremy pour la seconde, à Linda pour sa patience pour les essais d'installation de 18h45 à presque 19h30 (heure du Québec) et à Paul pour sa tenue d'occasion! Désolé...Vous n'aurez pas plus de détails à ce sujet! J'ai passé un très bon moment même si le Tricolore a perdu.







2.1- Il y a quelques jours, lors de l'événement «Émilie-a-mis-Vlad-en-rogne-mais-finalement-c'était-pas-ça-elle-ne-faisait-que-pleurer-pensant-que-nous-ne-viendrions-pas-ce-matin-là», Vlad, par l'entremise du téléphone et de Valentina, nous a annoncé qu'il commencerait à prendre ses distances et qu'il disparaîtrait dorénavant tout de suite après les exercices matinaux, afin que ce soit plus facile pour nous, pour Émilie et aussi pour lui. Nous avions compris alors, comme nous le pensions, qu'il était lui aussi attaché à la petite. Il ne voulait pas que l'on pense qu'il nous boudait. Derrière son armure de physiothérapeute rigide et demandant, nous savions très bien que se cachait un homme au coeur tendre.

2.2- Vendredi matin, nous étions dans la petite salle, celle où Émilie fait ses exercices tous les jours. Nous étions tous les quatre. Le petit-fils de la directrice, Richard, venait à l'occasion faire son tour dans la salle, car lui et Émilie s'entendent très bien. Chaque fois qu'il apparaissait, il y avait Vlad qui suivait... Je crois que sa tâche ce matin-là était de garder Richard...À un moment donné, Vlad est devenu l'homme qui se cache derrière Vlad... Les deux enfants étaient dans la piscine à balles et Vlad a commencé à leur en lancer. En quelques secondes, la guerre était déclarée et des balles de couleurs allaient et venaient dans tous les sens. Vlad, le professionnel sérieux, avait enfin une faille, pour moi une sorte d'hommage à la petite, comme pour lui dire au revoir. La bataille a duré plus de cinq minutes, durant lesquelles toute douleur ne comptait pas, incluant celle provoquée par le contact des balles et des pinces dans les cheveux d'Émilie! C'était la guerre, c'est tout. Les enfants contre les adultes, Arthur regardant tout cela se dérouler sans broncher. J'ai adoré ce moment parce que le contact passait enfin avec Vlad, pas par des paroles, mais, encore mieux, par un geste que j'ai, peut-être à tort, trouvé symbolique.

3- Samedi, Arthur est venu un peu plus vers moi. Ça fait du bien! Quelques danses loufoques, de la jonglerie, et le tour était joué!

4- En repartant de l'orphelinat (le matin), nous avons essayé un nouvel autobus, le 107. Nous croyions qu'il nous mènerait au même coin de rue que le 117 et le 151... Vous comprenez déjà par cette phrase que nous n'avions pas raison! Nous avons marché près de deux kilomètres pour rejoindre le point voulu. Nous sommes ensuite allés montrer le marché extérieur au couple de cousins. J'aime ce qui se passe: quand nous sommes arrivés à Lugansk, nous avons découvert la ville avec Lucie et Thomas, un autre couple d'adoptants québécois présents depuis une semaine. Ils ont maintenant quitté la ville, et c'est notre tour de faire découvrir certaines choses aux autres. Nous sommes, en quelque sorte, leurs guides. Lors d'un repas un peu modeste mais combien agréable dans une cafétéria (place où l'on peut pointer ce que l'on veut manger sans avoir à dire un mot!), j'ai grandement déçu notre nouvel ami Jean-Bruno. Il nous disait combien il était désapointé de ne jamais, en deux voyages au Canada, avoir vu un ours... Je lui ai répondu qu'en trente-trois ans de vie, je n'en avais pas vu non plus! Vous auriez dû voir sa gueule! Désolé J-B, il fallait que j'en parle! Après avoir pris le café et le dessert dans notre petit café simili français (Melange), nous avons repris immédiatement l'autobus. Grosse journée!

Monument quelconque (Lenin, nous croyons) pris en photo
lors de notre détour avec l'autobus 107
4- Durant la session de l'après-midi, Phil, l'Américain, avait amené son ordinateur avec une connection internet par ondes cellulaires. À coups de dix secondes, nous avons pu prouver à mes parents que nous étions vraiment en train d'adopter: ils ont vu des enfants vivants, des enfants qui bougent, une petite fille qui répète les mots entendus de la bouche de son futur-père: «Bonjour! Allô! Allô! Bonjour! Ça va bien?...» Très court mais quand même satisfaisant!

5- Samedi soir, c'était l'arrivée des renforts. Nous sommes allés chercher Louiselle à l'aéroport de Lugansk, situé à vingt minutes du centre de la ville. Cet aéroport fait le lien entre Kiev et Lugansk et entre Lugansk et Moscou. Vers 22h10, Bab (babouchka), apparaissait. Après deux photos de bienvenue, je me suis fait attaqué par une douanière en crise. Elle m'a tabassé et a détruit devant une foule en délire la carte-mémoire de la caméra. Bon, d'accord! J'exagère! Une dame m'a simplement fait comprendre d'arrêter. Louiselle est vivante! La turbulence de Montréal à Zurich a épargné sa vie!


6- De retour à l'appartement, un peu avant 23h00, je n'avais pas encore soupé. Le four pour Louiselle et moi, la bouilloire pour son thé, le chauffage d'appoint dans notre chambre...Ça saute. Plus de four, plus d'éclairage dans la chambre, plus de frigo, plus de chauffage dans la chambre. Résultat: frigo déplacé dans le couloir et branché dans la toilette, on gèle de nouveau durant la nuit. Ça s'est réglé en deux jours, entre deux remontrance comme quoi on chauffe trop et que c'est pour ça que ça a sauté. En Ukraine, si quelque chose ne fonctionne plus dans un appartement, c'est automatiquement la faute du locataire étranger! Lucie est aussi là pour confirmer.



7- Je laisse à ma belle-maman le soin de vous raconter ses rencontres avec les enfants. De notre côté, nous étions excités et émus de lui présenter nos trésors.

8- Dimanche soir, nous avons été invités à souper chez les Français. Ça a été une soirée très agréable. Nous en avons profité pour dire au revoir à Phil, qui quitte Lugansk demain matin (mardi) pour Kiev avec sa petite Lisa.






Arthur, 28 mois. Activité préférée: manger

Intense séance de cutex initiée par Bab lors de sa première
rencontre avec les enfants

Même moi, j'y ai participé...

Prout-prout sur la bédaine!

Louiselle et Arthur dimanche après-midi

Pas le droit de cochons dans les autobus, selon ce que nous comprenons...

Fait irréel: nous partons de l'orphelinat en autobus: huit passagés,
sept francophones et un anglo! Le bus nous appartient!


9- Aujourd'hui, la journée avec les enfants s'est très bien déroulée. Nous nous attachons de plus en plus à eux. Notre coup de coeur va à Émilie. Selon la routine de fin de séance, nous allons reconduire Arthur en premier. Nous essayons de rapprocher les enfants l'un de l'autre. Nous proposons toujours à Arthur de faire un câlin à sa soeur avant de disparaître derrière la porte de son local. Ce soir, après un premier câlin, Émilie a redemandé à son frère de s'approcher et lui en a fait un autre... On sent que quelque chose se passe dans sa tête et c'est très beau. C'est aussi bien spécial de constater à quel point elle comprend tout ce que nous lui disons, malgré la flagrante barrière de la langue.

10- Bon souper à la «maison» avec le couple français: patates pilées et poulet de Lugansk (qui remplaçait la dinde!».

Voilà! Pour de plus amples informations sur la journée de lundi et pour des réflexions plus brillantes, référez-vous au message ci-haut intitulé «Jour de Thanks Giving».

Bonne soirée à toutes et tous!

Ludo


jeudi 7 octobre 2010

Bonjour Toutes et Tous,

Vous attendez depuis presque vingt-quatre heures pour avoir le dénouement de l'histoire de la petite qui a mal commencé sa journée. Et bien voilà:quand nous sommes arrivés à l'orphelinat ce matin, nous nous sommes fait dire «Vlad» avec un doigt qui pointait vers le haut. Nous sommes montés à la salle d'exercices où Émilie et Vlad venaient de terminer leur séance. J'ai appelé Valentina pour qu'elle parle à Vlad afin de découvrir ce que la petite peste avait bien pu faire la veille à la même heure. Vlad prend le téléphone et voici la conversation:«rklrnkjnsffhiudvhosrbit djbjkehbtjvb vselkjhtt itslubow wriubtokjd dhbwoyshe flfoeiubfeplkef (pause: il écoute) weiurbsldnf velrjkhlwer vlkw;lejlw lwqjelwkej sl.alksndff (pause: il écoute) lqweirunkerhvkj (nous, nous lui sourions parce qu'il sourit au téléphone) kjurybvkseaeh akjhkws,wshbksa weuhybckerhr aejrhkaehbkfj.» Je reprends le téléphone pour entendre Valentina qu'Émilie pleurait parce que nous ne nous étions pas présentés à la salle ce matin-là et que, rendue en bas, nous n'étions pas là non plus! Elle pensait que nous ne viendrions pas. Vlad n'était donc pas du tout fâché la veille. N'est-ce pas beau comme dénouement? N'est-ce pas inattendu? N'est-ce pas là la meilleure raison de pleurer? C'est le coeur gros mais léger que nous avons regardé Émilie et l'avons pris dans nos bras. C'était le scénario parfait! Voilà pour le suspense...

Le reste de la journée s'est bien passé. Les dames qui s'occupent d'Arthur nous ont par contre demandé de ne le garder avec nous que trente minutes, matin et après-midi, parce qu'il est malade et ne veulent pas qu'il se fatigue. C'est un tantinet ironique parce qu'avec nous, hier, il a regardé des livres, empilé des beignes en plastique de différentes grosseurs et écouté un bout de film. Avec son groupe d'environ douze enfants, il marche, se chicane et joue sans arrêt... On ne s'obstine pas avec une nanny! Après les trente minutes règlementaires, nous sommes sortis avec Émilie pour bouger un peu plus. Elle en a bien besoin! Elle est tombée dans les Duracell quand elle était petite. Et pas les rechargeables qu'il faut jeter après quelques utilisations!

Alors voilà. Une journée toute simple, toute douce. Il n'est que 21h05, mais je dois bien vite aller me coucher car je me lève à 1h40 pour regarder le premier match de la saison régulière des Canadiens! Écraseront-ils les maudits Toronto? C'est un suspense presque aussi poignant que celui d'hier matin!

Bonne soirée! Je vous laisse sur quelques clichés.

Ludo



En approchant de l'orphelinat, cet après-midi, une vache se
trouvait sur notre chemin. J'ai demandé à la dame si je pouvais
la photographier. Un grand sourire en guise de réponse, elle
s'est même jointe à sa bête pour l'une des photos!

Papa fait des niaiseries avec Padounka

On joue ici aux pieds qui puent!

mercredi 6 octobre 2010

Cocoon 2


Ça y est, nous l'avons eu notre moment de cocooning en famille. Le rhume de Arthur aidant, nous sommes demeurés à l'intérieur aujourd'hui et nous en avons profité pour passer du temps collés collés. Ce matin, nous avons fait la lecture aux petits. Avec le même livre russe, Ludo et moi avons su captiver Émilie en lui racontant une histoire bien différente. (Je, Ludo, prends le relais pour terminer ce message) La dernière phrase de Chantal est complètement fausse: mon histoire ne l'a absolument pas captivée, de sorte que j'ai dû arrêter alors que le petit Jésus n'était même pas né! Tu es trop gentille, ma Cocotte! Il ne faut pas me ménager comme ça! Bon! Réglé pour les mensonges! Nous avons effectivement eu notre journée relaxe avec les enfants. TRÈS relaxe pour Arthur... Le pauvre «morve», tousse «creux» et fait de la fièvre. En après-midi, nous avons essayé le cinéma. J'ai apporté mon ordinateur et avons tenté de regarder un film (Madagascar). Ça s'est avéré être un beau moment, alors que nous étions accompagnés des autres adoptants et de leurs enfants. Il y avait donc devant l'écran deux Québécois, deux cousins Français, un Américain et quatre enfants Ukrainiens. Un beau mélange! La projection s'est arrêtée après seulement vingt minutes... Je peux comprendre les enfants: à Kiev, j'ai tenté l'expérience de regarder la télévision en russe... J'ai flanché bien avant vingt minutes! MÂlâdièts les enfants! Bravo!

Arthur et Chantal regardent l'album de famille.
Remarquez cet enfant plein de vie!

Émilie, juste avant de ne plus être captivée. Se grattant la tête,
elle se demande déjà où je m'en vais avec mes niaiseries!















Une belle journée, certes, mais qui a drôlement commencé. Durant la semaine, lorsque nous arrivons le matin, nous nous rendons en premier dans le secteur d'Émilie: une porte qui donne sur un petit local qui ne sert à rien, une autre porte, celle-ci toujours ouverte, qui mème au couloir où il y a toutes les chambres. Ces dernières sont à droite et leurs murs sont en vitre à partir de la moitié jusqu'au plafond. Habituellement, nous nous rendons à cet endroit pour nous faire dire:«Vlad», avec un signe vers le haut qui nous fait comprendre, intelligents que nous sommes, qu'Émilie est avec Vlad en haut en train de faire ses exercices matinaux. À l'occasion, la petite est déjà descendue et vaque à ses occupations (?). Il est aussi arrivé, tel que mentionné dans un ou deux messages précédents, qu'elle soit dans le corridor à se promener avec Padounka, sa marchette. Ce matin, un tout autre genre de scénario. En s'engageant dans le corridor, nous apercevons Vlad, les bras croisés, l'air fâché, qui fixe la petite à travers la fenêtre. La porte de la chambre est fermée. Nous nous approchons. Émilie, toujours toute souriante à ce moment, viens de finir de pleurer. Elle a les yeux rouges et nous regarde avec un visage triste, défait. Je crois qu'elle aurait aimé que nous n'arrivions pas à ce moment. Vlad, que nous adorons, nous regarde, sachant très bien qu'il ne peut pas nous expliquer la situation. Nous avons tout de même, je crois, réussi à lui faire comprendre que nous étions de son côté, que nous ne remettions pas en doute son autorité et ce qui en a découlé. Il nous a demandé si Valentina, notre interprète, était là. Il semblait vraiment tenir à ce que l'on sache ce qui s'était passé. «Kiev», a été notre réponse. Nous aurions aussi beaucoup aimé savoir, mais nous n'avions pas notre cellulaire pour communiquer avec Valentina. Nous avons déjà vu Émilie pleurer parce que nous la ramenions pour le dîner ou le souper, ou parce qu'elle était contrariée dans une stucture de jeux à l'extérieur, mais jamais une ambiance si lourde n'avait plané comme ça. Et elle planait plus bas qu'un rapace. Nous sentions la pression sur ses épaules. Et la tristesse qu'elle portait de nous voir la voir. Ayant déjà à quelques reprises assisté à la séance de massage et d'exercices, nous savons qu'Émilie est généralement très disciplinée et travaillante.Vlad est rigoureux, très rigoureux, mais il est aussi trèsjuste et patient. Nous avons donc hâte, non, très hâte de savoir ce qu'elle a pu faire pour le mettre dans un état pareil. Nous nous coucherons sans savoir, mais c'est armé de notre cellulaire que nous présenterons à l'orphelinat demain matin!

Voilà! Il se fait tard ici. Chantal dors depuis déjà une heure, à moins que les Ukrainiens qui font la fête dehors n'aient chanté assez fort pour la réveiller!

Bonne soirée!

Ludo (et Chantal pour les premières lignes)

lundi 4 octobre 2010

Que justice soit faite !

Lundi 4 octobre

Il est sept heures. Je me lève. Je tremble quelque peu. Est-ce l'air glacial de l'appartement ou la peur qui me fait tressailler ? Je saute dans la douche. L'eau chaude me calme légèrement. Et si... et si quelque chose tournait carré. Je plonge la tête sous l'eau. Le choc de l'eau brûlante causée par la chasse d'eau que j'entends au loin me change les idées. Ensuite, chacun de mes gestes quotidiens sont exécutés machinalement. Petit pépin en vue : le gris de mes collants ne s'agencent pas harmonieusement avec ma nouvelle robe. Soupir de soulagement, j'en ai une autre paire. J'enfile nerveusement ma robe, mon regard se pose sur la silhouette dans le miroir. Ça devrait aller. Si mon corps cesse de trembler, ça devrait aller. Ludovic tente quelques blagues. À ma réaction, il comprend qu'il est périlleux de s'aventurer sur cette voie. Il se tient loin. Silencieux, il repasse lui-même sa chemise.

Premier arrêt à l'orphelinat. Une petite heure passée avec les enfants m'apaise un peu. À notre départ, Émilie pleure. J'aurais tant envie de lui expliquer qu'il reste peu de temps avant que nous ne soyions plus séparés. Si peu de temps avant qu'elle ne soit plus orpheline. Maman doit te quitter pour ne plus jamais te quitter ensuite. Mais mes mots me manquent en russe pour expliquer tout ça. Je me contente alors d'un bisou, mais elle se referme. Le temps presse. Je quitte.

Arrivée au palais de justice, je tremble, encore. Mais cette fois, c'est le froid qui perce ma peau. Nous devons attendre à l'extérieur que tous soient arrivés. Les minutes s'écoulent et le temps me paraît une éternité soumise à ce froid insoutenable. Le dernier taxi arrive. Nous montons tous à l'étage, là où nous attendrons d'être appelés dans la salle d'audience. J'attends. Je me répète le texte que je devrai dire au juge. Nous l'avons mis au point avec Valentina hier, revu ce matin en sa compagnie et noté sur un bout de papier. "Nous vous demandons d'autoriser l'adoption..." Après quelques répétitions, je me dis que ça va. Je saurai faire face. J'ai imaginé la salle d'audience. J'ai tout visualisé. Tout ira bien.

Une grand femme blonde passe dans le corridor. Elle disparaît derrière la porte numéro 1. Je tente d'agencer chacune des lettres... je crois que j'y lis "préliminaires". J'entends sa voix ; une voix décidée, afirmative, ce doit être un patron ici dans la boîte. La voix se tait. La porte s'ouvre. C'est notre tour. J'inspire. Je me lève. J'ai mon papier à la main. Je suis la foule. Je passe la porte 1. Les gens se dirigent à droite. J'entre dans la salle numéro 5. Je suis surprise. Je freine. Ce n'est pas une salle d'audience. Je me trouve dans un minuscule bureau. Nous devons tous nous corder dans si peu d'espace. Il y a l'interprète, la représentante de la mairie, la juriste de l'orphelinat, deux représentants de l'organisme de tutelle, la secrétaire, le représentant du procureur, Ludovic et moi. Je suis prise entre le mur et le dossier du représentant du procureur. Une fois assise, je lève la tête et je la vois. La grande femme blonde, assise derrière un grand bureau. Elle semble confortablement installée. Elle dispose d'assez d'espace pour bien bouger. La scène est assez ironique : elle est seule, elle occupe la plus grande partie de cette minuscule pièce, nous sommes neuf, nous sommes entassés genoux contre genoux. Et ça commence.

Chacun se lève, se nomme, se présente. Valentina s'engage solennellement à traduire la session dans son entièreté. C'est mon tour. Je respire. Je me nomme. Je me présente. J'indique mon employeur. La juge me demande le nom de l'école où je travaille. Je bafouille. Je ne sais plus. J'y ai mis les pieds une seule fois cette année. Je regarde Ludovic. De mes yeux, j'implore sa mémoire. Il hoche la tête. Lui non plus ne sait pas. Ça commence par un M... Mgr-Forget! Ouf! C'est la fête dans ma tête. Je me rassois. C'est à Ludovic. Je sens sa voix trembler. Je suis si nerveuse et dans ces moments-là, je sais ce qui m'attend : un fou rire incontrôlable. Je le sens monter en dedans. Je me mords la lèvre. Ce n'est pas le temps. Je fixe devant moi et je le sens redescendre.

La juge ouvre la session et elle commence à présenter les documents. Son débit est si rapide. J'ai alors une pensée pour Valentina. Comment fera-t-elle pour tout traduire ?  Peut-être aurait-elle dû prendre un deuxième café... Mes yeux sont fixés sur la juge ; mes oreilles sur les propos de Valentina. Tout va si vite. La juge a des questions à nous poser. Qui se lèvera pour répondre en premier ? Ludovic me regarde. D'accord j'y vais en premier. Pourquoi vouloir adopter ? Ah non, c'est Ludovic qui avait préparé cette réponse. Je lui explique brièvement les raisons que je me rappelle avoir échangées avec lui. Elle me fait signe de me rassoir. Il n'y aura finalement pas de deuxième. Le blabla législatif reprend de plus bel. Mon nez pique. Il coule. Devrais-je me moucher ou serait-ce mal vu ? J'attends un peu, mais non, il faut que je pallie à la situation. Je me mouche aussi discrètement que je puis le faire entassée auprès de neuf personnes.

On doit se lever à nouveau. La juge nous demande de répéter notre demande officielle à la cour. Valentina me regarde. Je comprends que c'est le temps de réciter mon texte. Blanc. C'est tout blanc dans mon esprit. Je... je... j'empoigne mon papier, je m'excuse, je lis le début. Ça me revient. Je lève les yeux et je vois un léger sourire se former sur le visage de la juge. Je reprends mes esprits et je me lance. "Nous vous demandons d'autoriser l'adoption des mineurs Chij Anastasia et Chij Russlan par nous, Boutet Chantal et... et...je ne me rappelle plus du nom de mon mari... Valentina prend la relève. Elle traduit et elle ajoute au bout de sa traduction "... et Paré Ludovic", un petit sourire en coin. La juge n'y a vu que du feu. Je reprends alors mon texte que je défile dans son entièreté. Valentina traduit au fur et à mesure. J'ai terminé. Je respire. La juge demande à Ludovic, silencieux jusque là, s'il soutient la demande de sa femme. "Oui, oui, oui, bien sûr". On se rassoit. La représentante de la mairie prend la parole. Elle acquiesce à notre demande. C'est au tour de la juriste de l'orphelinat. Au nom de l'orphelinat, elle aussi donne son accord. Personne ne s'objecte.

Et c'est la lecture du jugement. "Nous satisfaisons à la demande de Boutet Chantal et de Paré Ludovic et nous les enregistrons en tant que parents de Émilie Anastasia Paré et de Arthur Russlan Paré" et ça continue. J'entends le nom des enfants et pour chacun, les mots "mère : Boutet, Chantal" et "père : Paré Ludovic". Ce sera les nouvelles indications sur le registre de naissance. Mes lèvres tremblent. Mes yeux se remplissent d'eau. Je ravale. Je dois être forte. Je pleurerai ma joie plus tard. La juge nous félicite, nous remercie et la pièce se vide. C'est terminé. 

Je flotte. Les mots "mère : Boutet Chantal" emplissent mon esprit. Pendant que j'attends dans le corridor, un homme menotté passe devant moi, encadré par deux policiers. Les suit, une femme tenant un couteau de chasse pointé vers le bas. Est-ce l'arme du crime? Mais mon esprit est trop occupé pour l'instant pour me lancer dans un quelconque égarement où je tenterais de m'imaginer, à l'aide de mes quelques indices, l'histoire de l'homme et de son couteau. Je reprends mes rêveries. Je savoure le moment.

Encore dix jours, seulement dix jours et le jugement entrera en vigueur... dix jours et ces enfants ne seront plus orphelins, dix jours et je serai enfin maman pour vrai.